La Maîtrise de soi (Pilier 2) : Comment surfer sur la vague de vos émotions

Dans notre précédent article, nous avons appris à devenir de meilleurs observateurs de notre monde intérieur. Observer est la première étape. Mais que faire une fois que l'on a repéré l'émotion qui déferle ? Comment éviter que la vague ne nous emporte ?

Imaginez un trader en bourse. Soudain, le marché plonge. Une perte colossale s'affiche. La panique le saisit et son impulsion lui hurle : "Vends tout ! Maintenant !". S'il réagit sous le coup de l'émotion, il commet une erreur stratégique. Le trader expérimenté, lui, a appris à surfer la vague. Il se calme et il attend.

Aujourd'hui, nous allons apprendre à surfer sur la vague de nos émotions. L'objectif est de maîtriser des techniques concrètes pour gérer les émotions fortes et passer d'une réaction impulsive à une réponse choisie.

Qu'est-ce que la Maîtrise de Soi ?

Si la conscience de soi est la capacité d'entendre ses émotions, la maîtrise de soi est la capacité de ne pas être gouverné par elles. C'est l'aptitude à contrôler ou rediriger les pulsions perturbatrices. Il ne s'agit pas de réprimer ses émotions, mais de les exprimer de manière appropriée et constructive, en réfléchissant avant d'agir.

Le pouvoir de l'espace entre stimulus et réponse

Viktor Frankl, psychiatre et survivant de l'Holocauste, a écrit une phrase qui est au cœur de la maîtrise de soi :

"Entre le stimulus et la réponse, il y a un espace. Dans cet espace se trouve notre pouvoir de choisir notre réponse. Dans notre réponse résident notre croissance et notre liberté."

Le stimulus, c'est l'e-mail agressif ou la critique inattendue. Pour beaucoup, cet espace est quasi inexistant : le stimulus déclenche une réaction immédiate. La maîtrise émotionnelle est l'art d'élargir cet espace. L'outil le plus simple pour y parvenir est la respiration.

Une respiration lente et profonde, avec une expiration plus longue que l'inspiration, active le "frein" de votre système nerveux. Elle contrecarre la montée d'adrénaline et envoie un signal de sécurité au cerveau.

La règle des 90 secondes pour laisser passer la tempête biochimique

Lorsqu'une émotion est déclenchée, le cerveau libère un cocktail chimique dans le sang, provoquant des sensations physiques (chaleur de la colère, nœud à l'estomac de l'anxiété). Selon la neuroanatomiste Jill Bolte Taylor, le temps nécessaire pour que ce cocktail soit complètement évacué du corps est d'environ 90 secondes.

La réponse physiologique pure d'une émotion – la "vague" chimique – ne dure donc qu'une minute et demie.

Alors, pourquoi une colère peut-elle durer des heures ? Parce que notre esprit, par la rumination, choisit de relancer continuellement le circuit. On repense à la scène, on s'imagine ce qu'on aurait dû dire, et à chaque fois, on libère une nouvelle vague de 90 secondes de chimie du stress.

Exercice pratique : La prochaine fois qu'une émotion forte vous saisit, essayez ceci :

1. Reconnaissez l'émotion qui monte.

2. Observez simplement les sensations physiques dans votre corps, sans jugement, pendant 90 secondes.

3. Imaginez la vague monter, culminer, puis redescendre.

4. Rappelez-vous qu'après 90 secondes, la tempête biochimique est terminée. Ce qui reste, ce sont vos pensées. Et vos pensées, vous pouvez choisir de les changer.

Le recadrage cognitif ou quand l'obstacle devient le chemin

La compétence de maîtrise de soi la plus sophistiquée est le recadrage cognitif. Il s'agit de changer le cadre à travers lequel on perçoit une situation pour en changer la signification émotionnelle.

L'exemple le plus magistral est celui de Steve Jobs. En 1985, il est licencié d'Apple. Un échec cuisant. Pourtant, voici comment il a recadré cet événement des années plus tard :

"Être viré d'Apple a été la meilleure chose qui pouvait m'arriver. Le poids du succès a été remplacé par la légèreté d'être à nouveau un débutant. Cela m'a libéré pour entrer dans l'une des périodes les plus créatives de ma vie."

Il a transformé l'échec en opportunité. Comme l'a dit l'empereur stoïcien Marc Aurèle, "Ce qui se dresse sur le chemin devient le chemin."

Exercice de réflexion : Pensez à un défi récent.

• Cadre initial : Quelle est l'histoire que vous vous êtes racontée ? (Ex : "C'est une catastrophe, tout est fichu.")

• Recadrage : Quelle autre interprétation plus utile pourriez-vous choisir ? Quelle opportunité d'apprentissage se cache ici ? (Ex : "C'est un revers qui m'apprend une leçon précieuse sur...")

Ce simple changement de perspective est la différence entre rester bloqué et continuer à grandir.

Passez à l'action : La conscience de soi nous permet d'observer la vague. La maîtrise de soi nous apprend à la surfer. Partagez dans les commentaires laquelle de ces techniques (la pause, la règle des 90 secondes, le recadrage) vous semble la plus utile pour vous en ce moment. Votre engagement envers votre développement est la clé de votre leadership.

Image de Kireyonok_Yuliya sur Freepik